NOUVELLES ANNALES

DES VOYAGES,
DE LA GÉOGRAPHIE
ET DE L'HISTOIRE

NOUVELLES ANNALES
DES VOYAGES,
DE LA GÉOGRAPHIE
ET DE L'HISTOIRE,
OU RECUEIL

DES RELATIONS ORIGINALES INÉDITES, COMMUNIQUÉES PAR DES VOYAGEURS FRANÇAIS ET ÉTRANGERS;
DES VOYAGES NOUVEAUX, TRADUITS DE TOUTES LES LANGUES EUROPÉENNES;
ET DES MÉMOIRES HISTORIQUES SUR L'ORIGINE, LA LANGUE, LES MŒURS ET LES ARTS DES PEUPLES, AINSI QUE SUR LES PROMOTIONS ET LE COMMERCE DES PAYS JUSQU'ICI PEU OU MAL CONNUS;

ACCOMPAGNÉES D'UN BULLETIN OU L'ON ANNONCE TOUTES LES DÉCOUVERTES, RECHERCHES ET ENTREPRISES QUI TENDENT A ACCÉLÉRER LES PROGRÈS DES SCIENCES HISTORIQUES, ET SPÉCIALEMENT DE LA GÉOGRAPHIE.
AVEC DES CARTES ET PLANCHES,
GRAVÉES EN TAILLE-DOUCE,

PUBLIÉES PAR
MM. J. B. EYRIÈS ET MALTE-BRUN
TOME X.
PARIS,

LIBRAIRIE DE GIDE FILS,
RUE SAINT-MARC-FEYDEAU, N.° 20.
1821.

NOUVELLES ANNALES DES VOYAGES,
DE LA GÉOGRAPHIE
ET DE L'HISTOIRE.

VOYAGE
DE
L'EMBOUCHURE DE LA. COLUMBIA
A SAINT-LOUIS, SUR LE MISSISSIPI, EN 1812;

Précédé d'un Voyage par mer de New-York à l'embouchure de la Columbia; de la relation de ce qui s'est passé au fort Astoria pendant plus d'un an (de 1811 à 1812), et d'un Voyage de Saint-Louis au fort Astoria; Traduits et extraits des journaux manuscrits tenus par les voyageurs, en anglois (1).

LA Columbia, fleuve de l'Amérique septentrionale, a son embouchure â la côte nord-ouest de ce continent, par 46° 19' nord et 126° 14' 15" ouest de Paris. Elle fut découverte, le 7 mai 1792, par le capitaine Robert Gray, commandant le navire la Columbia. Se trouvant à la distance de six milles de terre, il y aperçut une ouverture dont l'apparence annonçoit un port; aussitôt il fit mettre un canot à la mer pour chercher un mouillage, on n'en trouva pas; mais le navire s'étant approché de la côte, on découvrit du haut du mât une entrée au milieu d'une barre sablonneuse. Ce ne fut que le 11 que la Columbia, ayant surmonté les courans, passé les bancs de sable et franchi les brisans, entra dans un grand fleuve dont l'eau étoit douce. Le capitaine Gray y mouilla; il remonta ensuite le fleuve jusqu'à la distance de quinze milles, où son lit se rétrécit tellement qu'il étoit presque impossible d'y naviguer; ainsi le capitaine Gray pensa qu'il n'avoit pas suivi la bonne route pour parvenir plus haut; ayant terminé ses opérations et pris connoissance du pays, il nomma le fleuve Columbia, la pointe au nord de l'entrée cape Hancock, et celle du sud Adams point. Ensuite il repassa heureusement la barre, et remit en mer le 20.

Pendant tout son séjour dans les eaux de la Columbia, le navire avoit été environné par les pirogues des Indiens Tchinouks.

Les détails dans lesquels nous venons d'entrer nous ont paru nécessaires, parce que des livres de géographie ont attribué à tort à des navigateurs anglois la découverte de ce fleuve. Ceux que nous donnons sont tirés d'un extrait authentique du Log-Book ou journal du capitaine Gray. Il suffit d'ailleurs de faire attention aux noms qu'il a donnés, pour se convaincre qu'ils n'ont pu être imposés que par un navigateur américain: celui de Colomb est fréquemment employé par les citoyens des États Unis depuis l'époque de leur indépendance; ceux de Hancock et d'Adams rappellent deux fondateurs de la liberté américaine. Au reste, on trouve dans le voyage de Vancouver des renseignemens précieux sur la découverte de la Columbia. Ce capitaine anglois, à qui la géographie a de si grandes obligations pour sa reconnoissance de la côte nord-ouest de l'Amérique septentrionale, rencontra, le 29 avril 1792, près l'entrée de Juan de Fuca, par 48° 24' nord, le capitaine Gray qui l'instruisit de sa découverte; mais, à cette époque, il n'étoit pas encore entré dans le fleuve; il avoit seulement reconnu son embouchure: il ajouta que, pendant neuf jours, la force du courant qui en sortoit et celle du reflux l'avoient empêché d'y entrer. Vancouver continua ensuite sa route au nord, et Gray fit voile au sud (2). Vancouver, ayant terminé sa première campagne au nord, revint au sud, et, le 19 octobre, se trouva vis-à-vis le cap Disappointement, « qui, dit-il, forme la pointe nord de l'entrée du fleuve nommé la Columbia par M. Gray (3). » Il voulut entrer dans le fleuve, à la suite du Chatam, sa conserve; le vent contraire, les brisans et la force du reflux mirent obstacle à l'exécution de 'son dessein; il fut contraint de l'abandonner, persuadé que M. Broughton (4), qui commandoit le Chatam, ne négligeroit rien pour reconnoître l'étendue navigable de la Columbia, et acquérir, sur l'intérieur du pays, tous les renseignemens qu'il lui seroit possible de recueillir. Broughton, en effet, remonta le fleuve jusqu'à 84 milles de l'entrée, et il en prit possession au nom du roi de la Grande-Bretagne, parce qu'il croyoit que les sujets d'aucune puissance civilisée n'y étoient entrés avant lui (5). Mais le capitaine Gray étoit le premier en date pour le droit de possession, et les traités ont confirmé les prétentions des États-Unis.

Vancouver fit aussi reconnoitre un port découvert par Gray, au nord de la Columbia, et nommé Grays-Harbour(6).

Mackenzie, à qui nous devons de belles découvertes dans la partie occidentale de l'Amérique du nord, a commis une erreur en marquant sur sa carte l'embouchure de la Columbia comme celle du Tacoutché-Tessé, dont il avoit suivi le cours pendant long-temps, et qu'il avoit quitté au milieu des montagnes. Ce fleuve se jette dans la mer vers les 50° nord; et, entre son embouchure et celle de la Columbia, le grand Océan reçoit vers 48° les eaux d'un autre fleuve, la Caledonia, nom qui prouve qu'on en doit la connoissante à des navigateurs de la Grande-Bretagne, natifs d'Ecosse. Mais, si Mackenzie s'est trompé sur le cours de la Columbia, il a bien jugé les avantages que ce fleuve offre au commerce. «Quelque chemin que l'on suive, dit-il, »en partant des bords de l'Océan atlantique, il » faut aller joindre la Columbia pour se rendre » au grand Océan pacifique; ce fleuve est la ligne  » de communication que la nature a tracée entre »ces deux mers, puisqu'il est le seul navigable »dans toute l'étendue de la côte examinée »avec tant de soin par Vancouver; ses bords » offrent aussi le premier pays plat qu'on trouve »sur la côte au sud de l'entrée de Cook, et par »conséquent le point le plus septentrional où »l'on puisse fonder une colonie et qui convienne » à la demeure d'un peuple civilisé (7)

Ces réflexions judicieuses n'ont pas dû échapper aux citoyens des États-Unis de l'Amérique septentrionale; et l'embouchure de la Columbia se trouvant comprise dans les limites de l'Union qui s'étendent du 42° au 49° parallèle nord, ils ont naturellement songé à former des établissemens sur ce fleuve. Déjà les capitaines Lewis et Clarke avoient élevé à son embouchure un fort pour y 'passer l'hiver, en 1805, mais il fut totalement abandonné à leur départ; au lieu que le fort Astoria, construit sur la rive gauche de l'embouchure de Columbia, existe depuis 1811 et promet de devenir le chef-lieu d'une colonie. Il doit son nom à M. J. J. Astor, négociant de New-York, et directeur de la compagnie qui s'est formée dans cette ville pour le commerce des pelleteries à l'Ocean pacifique.

En 1810, M. Astor expédia le navire le Tonquin avec une cargaison pour aller traiter des pelleteries à l'embouchure de la Columbia. Ce bâtiment portoit aussi un certain nombre d'ouviers, et des chasseurs, la plupart Canadiens, destinés à rester à l'établissement qui se formeroit. D'un autre côté, cinq des associés de la compagnie partirent de New-York par terre; arrivés à Saint-Louis sur le Mississipi, à l'embouchure du Missouri, ils réunirent leur troupe composée d'une soixantaine d'hommes, et voyagèrent à l'ouest jusqu'à l'embouchure de la Columbia. Les journaux américains donnèrent dans le temps l'extrait de ce voyage et de celui qui fut entrepris plus tard par quelques-uns des associés pour revenir de la Columbia à Saint-Louis (8); ces extraits, dont le dernier est très-succinct, ont été traduits dans les Annales des Voyages (9); mais, comme les journaux originaux contiennent beaucoup de particularités intéressantes, nous avons pensé qu'un extrait plus étendu, notamment du Voyage de l'embouchure de la Columbia à Saint-Louis, feroit plaisir aux lecteurs des Nouvelles Annales, et nous y avons joint une carte dressée d'après les matériaux fournis par les voyageurs.


Le 6 septembre 1810, le navire le Tonquin, commandé par le capitaine Jonathan Thorn, partit de New-York. Indépendamment de son équipage composé de vingt-un hommes, il portoit quatre des intéressés de la compagnie, MM. A. Mackay, Duncan Macdougall; D. Stuart et R. Stuart; dix commis et dix-sept ouvriers de diverses professions, laboureurs et chasseurs. Les noms de la plupart prouvoient leur origine françoise.

Le 25 décembre, on doubla le cap Horn par un très-bon vent; le temps étoit assez beau, mais froid.

Le 11 février 1811, on mouilla dans la baie de Katacacoa de l'ile d'Ovaïhy. On alla ensuite à Vahou, et l'on y embarqua, de leur consentement, dix-sept insulaires qui devoient servir, soit comme matelots, soit comme ouvriers.

Le 22 mars, le Tonquin arriva devant l'embouchure de la Columbia. Le mauvais temps l'empêcha de passer la barre avant le 25. On avoit perdu, le 22, par la violence des brisans, un canot monté par un maître, un matelot et trois canadiens; le 24, un autre canot avoit aussi chaviré, et, sur cinq hommes, trois, dont un insulaire de Sandwich, avoient aussi perdu la vie.

Ces deux accidens furent occasionnés par l'entêtement du capitaine.

Le 28, on débarqua les bestiaux qui consistoient en un bélier, une brebis, trois boucs, une chèvre, quatre verrats et dix truies. Plus tard, on choisit, à la rive méridionale du fleuve, un emplacement pour y bâtir un fort. Le terrain étoit si couvert de souches à moitié pourries, de grands arbres abattus et des broussailles touffues, que l'on eut beaucoup de peine à le nettoyer. Cependant les charpentiers s'occupoient à couper et à façonner les bois nécessaires pour la construction des logemens et des magasins, et pour celle d'un navire. En même temps on bêchoit la terre pour y semer du maïs, des herbes potagères, des légumes, et y planter des pommes de terre.

Le 2 juin, le Tonquin, après avoir débarqué la partie de sa cargaison destinée pour l'établissement, partit pour traiter des pelleteries plus au nord le long de la côte. M. Mackay s'y embarqua comme supercargue adjoint au capitaine. La destinée de ce navire fut malheureuse. Vers le milieu de juillet, l'on apprit confusément par les Indiens que l'équipage avoit été massacré; l'on n'ajouta aucune foi à ces bruits; mais, le 11 août, après midi, un Tchinouk vint au comptoir américain et donna des détails dont il ne fut plus possible de douter. Il les tenoit d'autres Indiens récemment arrivés du pays des Niouetians. Suivaut leur récit, la cause de la catastrophe devoit être imputée au capitaine Thorn. Les Niouetians étant venus à bord pour trafiquer, il n'avoit voulu leur donner que deux couvertures de laine pour une peau de loutre marine. Les Indiens en furent très-mécontens, et un chef parla insolemment au capitaine, qui lui frotta la figure avec une peau de loutre. Le chef, outré de rage, renvoya tout son monde à terre. Le lendemain, le Tonquin fit voile pour Noutka, suivi d'une soixantaine de canots de Niouetians. Ceux-ci allèrent aussitôt trouver le chef de Noutka, pour le prier de se joindre à eux. Il finit par y consentir, et, le lendemain, ils accostèrent le navire avec des pelleteries; ils les vendirent pour deux couvertures et deux couteaux la peau de loutre, et eurent l'air fort content. Le commerce alloit grand train; leur nombre augmentoit à chaque instant; à un signal donné, quatre d'entre eux tombèrent sur le capitaine Thorn, et un cinquième lui perça le cou; d'autres voulurent se jeter sur M. Mackay, mais il se retira sur le gaillard d'avant où, avec son poignard, il tua trois de ces furieux; ils finirent néanmoins par venir à bout de lui, et il reçut au front un coup de massue qui l'abattit. Sur ces entrefaites, chaque homme de l'équipage avoit été attaqué par deux Indiens et massacré, à l'exception de quatre matelots qui descendirent dans la soute aux poudres, y mirent le feu et terminèrent leur vie d'une manière héroïque, en faisant sauter le navire en l'air avec une centaine de sauvages qui étoient à bord (10).

Les Américains du comptoir s'aperçurent que les Tchinouks, leurs voisins, savoient depuis quelque temps tous les détails de cette triste affaire. « Concomby, leur chef, avoit enjoint strictement de n'en rien dire, sous prétexte de ne pas nous affliger, dit le narrateur M. Macdougall; mais nous avons de bonnes raisons pour croire que l'amitié dont il fait profession pour nous n'est que feinte; en effet, sa conduite depuis quelque temps et diverses circonstanees suspectes nous firent penser que son seul but, en ne nous apprenant pas cette nouvelle, avoit été de nous inspirer une fausse sécurité, afin que, ne nous tenant pas sur nos gardes, nous pussions être plus aisément attaqués quand l'occasion s'en présenteroit. Je suis persuadé que, depuis le départ du Tonquin, ils n'attendoient qu'un moment favorable. En conséquence je faisois exercer tout mon monde, et j'avois soin que les armes fussent tenues en bon état. »

Au reste, les Indiens donnoient des nouvelles qui ne se vérifioient pas toujours. Le 30 avril, il en arriva un des rapides de la Columbia; il annonça qu'il avoit vu une compagnie de trente blancs qui bâtissoient des maisons, etc., près des seconds rapides: On supposa que ces blancs, d'après la description qu'il en fit, étaient des agens de la compagnie angloise du nord-ouest, et en conséquence on expédia un détachement pour recueillir des informations à cet égard, et prendre des mesures dans le cas où l'on auroit à craindre des obstacles à la formation de l'établissement. Le détachement étoit commandé par MM. Mackay et D. Stuart. A leur retour, le 15 mai, ils racontèrent qu'ils étoient allés jusqu'aux grands rapides, où ils avoient rencontré des Indiens qui habitent ordinairement près des Rocky-Montains (Monts Rocailleux). Ceux-ci, de même que ceux qui demeurent dans les environs des grands rapides, avoient assure les Américains qu'aucun homme blanc n'avoit paru dans le voisinage: mais ils avoient appris, de quelques Indiens venus d'au-delà des monts; qu'une compagnie de blancs, semblables à ceux qu'ils avoient vus avec les capitaines Lewis et Clarke, étoient en chemin pour venir à la Columbia. Les Américains supposèrent que  c'étoient dés personnes appartenant à leur association; car il n'étoit pas probable que d'autres pussent songer à s'établir sur ce fleuve.

Une autre fois, ce fut le 14 juin que Kemakiah, chef des Clatsops, informa les Américains que deux Indiens, venus de très-loin dans l'intérieur, étoient au village des Cathlamets; et il ajouta, sur les motifs de leur voyage, une longue histoire dont on ne comprit pas un mot. Le lendemain, les deux Indiens, c'étoient un homme et une femme, arrivèrent dans une pirogue avec sept autres naturels, la plupart Clatsops. Il remit une lettre adressée à M. Stuart, au fort d'Estekakamac. M. Macdougall l'ouvrit. Elle était datée du fort Flathead, le 5 avril. Ni son contenu, ni les questions que l'on fit à l'Indien, ne purent fournir des lumières sur la cause de son voyage. Mais on s'aperçut bientôt que cet étranger parloit la langue des Kaisténaux, ce qui fit soupçonner qu'il étoit un métis des nations du nord-ouest et un espion de la compagnie de même nom. Peu de jours après, l'étranger encourut la haine des Tchinouks. Ils le menacèrent de le tuer, et le pauvre diable aurait bien voulu s'en aller; mais tous les Indiens du voisinage lui en voulaient. « Nous fìmes tous nos efforts pour le rassurer, dit M. Macdougall, quoique nous fussions bien convaincus que ses craintes étoient fondées. Si nous ne l'avions pas pris sous notre protection dès l'instant de son arrivée, il auroit été victime de leur crainte qu'il ne leur donnât la petite vérole. Il avait eu l'imprudence de se vanter d'en avoir le pouvoir. Les chefs des Tchinouks et des Clatsops venoient souvent nous prier de le leur livrer, ainsi que sa femme, pour qu'ils en fissent leurs esclaves, ou de les garder nous - mêmes comme tels. Nous feignîmes de consentir à ce dernier parti, sachant bien que, si une fois ces malheureux étoient en leur pouvoir, leur mort étoit inévitable. La peur rendit cet Indien plus communicatif sur les habitans et les productions de l'intérieur, et surtout sur la distance des établissemens de la compagnie du nord - ouest aux grands rapides de la Columbia. Nous apprîmes, à notre grande surprise, qu'ils n'en étoient éloignés que de quatorze journées de marche à cheval. Les divers rapports qu'il nous, fit sur la partie supérieure du fleuve, la manière favorable dont il peignit les tribus nombreuses répandues le long de ses rives, enfin la crainte qu'il ne s'échappât et ne nous fit perdre ainsi l'occasion d'acquérir des connoissances certaines sur le pays, car trois d'entre nous entendoient son langage, nous décidèrent, après mûre délibération, d'envoyer M. D. Stuart avec huit hommes aux bords de l'Ouahnadihi, ou du Djaaggama-Nibi, comme l'Indien l'appeloit. On devoit y former un petit établissement, si le caractère des habitans et l'aspect du pays y invitoient, et engager l'Indien à rester avec eux, ou bien à retourner au fort, parce que la connoissance qu'il acquerroit du pays le rendroit très - utile dans une autre occasion. M. D. Stuart se mit en route le 22 juillet; sa petite troupe s'embarqua dans trois pirogues d'écorce qui portoient aussi un assortiment de marchandises. On partit de compagnie avec M. Thompson, agent de la compagnie du nord-ouest du Canada. Celui - ci étoit arrivé le 15, dans une pirogue d'écorce de cèdre montée par huit hommes. Il avoit traversé les Rocky-Mountains dans les mois de décembre et de janvier précédens. »

Le 11 août, jour auquel l'on apprit la catastrophe du Tonquin, plusieurs Indiens étoffent venus au fort; il y avoir parmi eux un Tchinouk, qui, peu de jours auparavant, étoit arrivé du sud. «Il nous raconta qu'à peu près un an auparavant, ajoute M. Macdougall, il étoit allé au nord dans un navire de Boston, mais qu'au retour le temps fut si mauvais que le capitaine n'osa pas entrer dans le fleuve, et fit route pour Canton. Il y vendit sa cargaison, et revint en Amérique, où il se mit à trafiquer avec les colonies espagnoles; il rencontra sur cette côte d'autres navires américains. Le capitaine d'un de ceux-ci débaucha le Tchinouk et dix Niouetians du navire où ils étoient, et fit voile pour la Columbia. Mais à peine avoitil quitté les établissemens espagnols, qu'un ouragan de neige s'éleva; pendant la nuit, le navire donna sur des rochers et fut brisé; tous les blancs périrent. Le Tchinouk et les autres Indiens, s'étant mis dans un canot, gagnèrent heureusement la côte; elle étoit déserte; ils la suivirent pendant plusieurs jours sans pouvoir se procurer ni alimens ni feu. A la fin, ils rencontrèrent des cabanes dont les habitans leur offrirent à manger; les voyageurs refusèrent, par la crainte d'être empoisonnés, et préférèrent de se nourrir de coquillages et de grenouilles. Au reste, les naturels de cet endroit ne faisoient guère meilleure chère. Après s'être reposés deux jours, les voyageurs reprirent leur marche. Au bout de quelques jours, l'aspect du pays devint moins aride, ils le trouvèrent plus peuplé; mais les habitans paroissoient féroces et mal disposés pour les étrangers. Ils attaquèrent les pauvres voyageurs, en tuèrent sept, et retinrent les quatre autres en esclavage. Enfin, Dhaickouan, un des chefs des Clemaks, étant venu dans ce canton pour trafiquer une quinzaine de jours auparavant, les racheta. Le Tchinouk donna quelques détails curieux sur la côte qu'il avoit parcourue. Il parla entre autres de l'embouchure d'un grand fleuve qu'il avoir eu beaucoup de peine à traverser. »

Les Tchinouks et les Clatsops étoient, depuis le commencement, venus tous les jours visiter les Américains. Très-souvent ils apportoient des peaux, rarement en quantité considérable. Ils avoient chez eux du saumon en abondance; mais une idée superstitieuse les empêchoit d'en approvisionner les Américains en quantité suffisante. Ils croient que, si l'on coupe ce poisson en travers, et si on le fait bouillir, il n'en reviendra pas dans le fleuve. Ils insistoient donc pour qu'on les laissât le préparer et le rôtir. Voyant qu'ils en apportoient si peu, on supposa d'abord qu'ils avoient formé le projet d'affamer l'établissement, et l'on fut agréablement surpris quand on eut appris le véritable motif de leur conduite.

Mais, comme on l'a déjà vu, les Tchinouks, malgré leurs protestations d'amitié, donnoient lieu de suspecter leur sincérité. « Nous savions, dit le narrateur, qu'ils avoient eu le dessein de nous attaquer après le départ du navire. Un accident vint à notre secours. Gassagass, fils de Concomby, blessa dangereusement, en jouant à la balle, un chef Ichitchilich. Les Tchinouks, appréhendant que ce malheur ne leur attirât une guerre avec cette peuplade, dans le cas où la blessure seroit mortelle, nous témoignèrent plus de bonne volonté qu'à l'ordinaire. Quelques-uns vinrent même nous avertir que les Ichitchilichs, rassemblés dans une baie voisine pour la pêche des esturgeons, avoient de mauvais desseins contre nous. Nous sûmes, en effet, d'antre part, qu'une cinquantaine de pirogues étoient attendues du nord, et autant du sud; cette coïncidence d'avis nous fit penser qu'il s'étoit formé un plan général d'attaque contre nous. Le seul moyen de pouvoir tenir tété à un si grand nombre d'hommes, étoit de bien nous fortifier; c'est ce que nous fìmes autant que nos moyens nous le permirent. »

« Deux jours après, quelques Tchinouks étant venus nous voir, n'eurent pas l'air satisfait des préparatifs de défense qu'ils aperçurent. Il nous falloit des pieux pour nos palissades. Nous en allions couper; les Indiens nous en fournissoient aussi. Kamakiah, chef des Clatsops, Concomby et son fils, nous en apportoient. Nous fìmes accroire à Concomby que nous les destinions à bâtir une maison pour le forgeron, parce que l'idée de nous aider à nous entourer d'une clôture lui étoit désagréable.

« Vers la fin d'août, quelques Ichitchilichs vinrent nous voir et nous apportèrent des castors et des esturgeons. Nous leur demandâmes pourquoi leur peuplade ne nous apportoit pas les produits de sa chasse et de sa pêche, au lieu de nous les envoyer par les Tchinouks; ils nous répondirent que ces derniers les avoient avertis de ne pas se présenter devant nous, parce que nous étions courroucés contre eux à cause de leur conduite envers d'autres Américains qui étoient venus auparavant commercer sur cette côte, et en conséquence ils ne se soucioient pas de se mettre en notre pouvoir. Nous les convainquîmes  de la fausseté de ce rapport, que les Tchinouks n'avoient inventé que pour accaparer le commerce; et nous ajoutâmes que, s'ils se conduisoient bien, loin de leur témoigner de l'antipathie; nous aurions beaucoup d'amitié pour eux.»

Outre les peuplades qui viennent d'être nommées, l'établissement étoit aussi fréquenté par les Cathlamats, les Clemaks, les Tchilouits, les Cathlaminimims et les Ouakikours. On faisoit de temps en temps des excursions dans le pays des Indiens les plus voisins, et on visitoit leurs villages, afin de rassembler le plus de pelleteries qu'il étoït possible, et de connoître ce que le commerce pourroit procurer dans les endroits où les peuplades indiennes se réunissent.   M. R. Stuart alla ainsi avec Calpo, Indien Tchinouk, jusqu'à 47° 20' nord et 124° ouest. Son absence dura dix-huit jours. Il avoit trouvé le pays abondant en castors, loutres, loutres de mer, élans, daims, ours, et loups, enfin en poissons de diverses espèces. Les Indiens qui habitent cette contrée étoient peu nombreux, mauvais chasseurs et insolens. Il pensoit cependant qu'un établissement avec des Indiens de Kodiak, bons chasseurs, y seroit avantageux, parce que non seulement on tueroit facilement beaucoup d'animaux, entre autres des loutres marines, mais aussi parce qu'on s'assureroit de la plus grande partie du commerce, des pelleteries au nord de Niouétie ou du détroit de Juan de Fuca.

Les Indiens donnoient beaucoup d'embarras à l'établissement par les vols qu'ils commettoient sans cesse. Quelquefois les objets enlevés étoient rapportés, par les chefs; ceux-ci montroient en général du zèle pour faire effectuer ces restitutions.

Le 7 septembre, on s'aperçut que les Indiens venoient en nombre moindre qu'à l'ordinaire: c'étoit l'époque vers laquelle ils commencent à se retirer dans leurs quartiers d'hiver. Ils se hâtoient de se défaire des peaux d'animaux qui leur restoient.

Le 26, la maison où l'on devoit demeurer fut prête, et l'on s'y installa. Elle étoit construite en bois et couverte en écorce de cèdre. On avoit fait du charbon et diverses provisions pour passer l’hiver. Le gibier ne manqua pas durant la mauvaise saison; elle amena des pélicans, des oies, des canards et des phoques; on tua aussi quelques ours noirs; quelquefois cependant on étoit à court de provisions.

Le 2 octobre, on lança à l'eau le petit navire que l'on construisoit; il fut nommé Dolly. Dès le 12 du même mois, on l'expédia pour remonter le fleuve; il fit plusieurs voyages; il étoit entre autres très-utile pour le transport des grosses pièces de bois de charpente.

Le 5, on fut agréablement surpris par l'arrivée d'une pirogue qui venoit de l'établissement formé par M. D. Stuart sur l'Okannaaken; elle ramenoit plusieurs de ses compagnons de voyage, un chasseur iroquois avec sa femme et deux enfans, et un chasseur américain, à qui M. Stuart avoit conseillé d'aller tenter fortune à l'établissement. Les voyageurs firent un rapport très-satisfaisant sur le caractère doux, hospitalier et honnête des Indiens qui demeurent au-dessus des chutes de la Columbia, ainsi que sur l'aspect et les productions du pays.

Les chefs de l'établissement étoient généralement contens de tout leur monde: cependant un certain Jérémie, homme d'un caractère turbulent, leur avoit causé des désagrémens. Dès le mois de juillet, on sut qu'ayant fait un paquet de ses effets,  il  les avoit cachés dans les bois, et avoit engagé quatre Indiens à le conduire à une certaine distance en remontant le fleuve. On le fit appeler, et on alla avec lui à l'endroit où il avoit déposé ses effets; quand on les eut exposés au grand jour, on ne fut pas peu surpris d'y trouver beaucoup de choses appartenantes à diverses personnes et à la compagnie. On lui fit une réprimande, et on l'invita de signer une promesse de mieux se conduire à l'avenir; mais, comme il persista dans son projet, on le mit aux fers et on enferma tous ses effets. Quelques jours après, il écrivit une lettre de repentir; on lui pardonna, il reprit ses occupations.

Il y a, dit-on, des hommes incorrigibles; Jérémie étoit de ce nombre. Le 10 novembre, on apprit que, de concert avec deux ouvriers nommés Pelleau, il s'étoit enfui, emportant les hardes de quelques-uns de ses camarades. On envoya aussitôt quatre personnes, avec deux Indiens, à leur poursuite, pour tâcher  de  les rattraper avant qu'ils pussent passer les rapides, à l'aide des naturels, auxquels on promit une forte récompense, s'ils les ramenoient. On sut, le 14, que les fugitifs étoient arrivés au village des Clatsops, avec l'intention de gagner les colonies espagnoles. Un Américain et un Indien furent mis à leurs trousses: le premier revint le lendemain, parce que l'Indien n'avoit pas voulu aller plus avant; d'autres tentatives pour engager à les poursuivre furent inutiles. Les premières personnes qui étoient parties pour les découvrir revinrent aussi, le 20, sans y avoir réussi: cependant, comme on leur dit, dans le village des Tchilouits, qu'on les avoit vus aux environs, ils y laissèrent deux d'entre eux pour guetter les fugitifs. Le 24, ils les amenèrent au fort. Ils les avoient trouvés emprisonnés dans le village des Cathlanaminimis. Le chef de cette peuplade, qui les avoit arrêtés quelques jours auparavant, ne voulut les livrer que pour une récompense considérable. A leur arrivée, ils furent mis aux fers.

Le 18 janvier 1812, on vit arriver au fort deux pirogues où se trouvoient MM. Donald Mackenzie, R. Macclellan, J. Reed et huit chasseurs; ils faisoient partie de la troupe de M. Hunt, qu'ils avoient laissée, le 2 novembre précédent, en deçà des Rocky-Mountains chez les Indiens Snakes ou Serpens. Ils s'étoient séparés de la troupe pour chercher des chevaux; et, voyant qu'ils ne pouvoient être d'aucun secours à leurs camarades, ils avoient continué leur route. Ils avoient éprouvé des difficultés inouies, et pensaient que, si M. Hunt et les siens voyageoient pendant l'hiver, ils souffriroient de  la disette des vivres. L'arrivée de M. Mackenzie et de ses compagnons fit beaucoup de plaisîr aux habitans du fort, dont le nombre étoit assez augmenté pour imposer aux Indiens.

Le 15 février, M. Hunt arriva avec six pirogues qui portoient trente hommes, une femme et deux enfans (11). Ils avoient laissé, chez les Indiens Snakes, M. Crooks et cinq hommes que la fatigue empêchoit de continuer le voyage; il étoit probable qu'ils passeroient l'hiver au milieu de cette peuplade. Comme on pouvoit craindre qu'ils n'eussent besoin de vivres, on fit partir une pirogue, le 22 mars, pour leur en porter, avec un assortiment de marchandises. M. Reed et les cinq personnes qui la montoient devoient ensuite gagner le Missouri, Saint-Louis, et enfin New-York, pour y porter des dépêches. Le même jour, M. R. Stuart s'embarqua aussi, avec M. Macclellan et d'autres personnes, pour l'établissement de M. D. Stuart; un troisième détachement remonta le fleuve dans une pirogue pour aller déterrer des marchandises que l'on avait cachées en terre.

Au retour du printemps on s'occupa de faire des excursions dans le pays, pour connoître les ressources qu'il pouvait fournir; en conséquence, le 31 mars, M. Mackenzie partit avec sept hommes et deux pirogues; ils devoient examiner les environs de l'Oulamat. Tous les détachemens que l'on envoyoit dans l'intérieur étoient bien armés; car il fallait qu'ils fussent en état de résister aux Indiens, toujours, disposés à attaquer.

Deux fois, depuis leur arrivée, les Américains fixés sur les bords de la Columbia avoient entendu des coups de canon du côté de la mer, mais n'avoient aperçu aucun navire; cependant ils savoient que M. Astor devoit faire de nouvelles expéditions chargées de leur apporter des marchandises de traite, des munitions et des provisions; ils étoient donc constamment dans l'attente, lorsque, le 7 mai, ils apprirent qu'un navire était mouillé devant l'embouchure du fleuve. MM. Macdougall et Macclellan, accompagnés de cinq autres, descendirent la Columbia pour s'assurer de la vérité de ce rapport; il étoit bien fondé; car, le soir, les habitans du fort aperçurent le bâtiment. M. Macdougall, de retour, raconta qu'il l'avoit vu manœuvrer pour gagner l'entrée du fleuve, et avoit entendu un coup de canon. Le 8, le vaisseau en tira plusieurs auxquels on répondit. On lui envoya la Dolly pour l'aider à passer la barre. M. Macdougall alla à bord, et reconnut que c'était le Beaver (Castor). Il mouilla ensuite dans le fleuve, débarqua les hommes destinés pour l'établissement, et mit aussi à terre les bestiaux qu'il apportoit.

Depuis le départ de M. R. Stuart et de sa troupe, l'on en avoit eu plusieurs fois des nouvelles indirectes: l'on avoit d'abord dit que tout le détachement avoit été tué aux premiers rapides, ensuite qu'il y avoit seulement eu une escarmouche avec les Indiens, et que ceux-ci avoient été mis en fuite. Enfin, M. Pillet, qui avoit été envoyé avec deux hommes chez les Cathlapouttes pour en ramener un Américain, nommé Pelton, qui se rendoit au fort et qu'ils retenoient prisonnier depuis près de deux mois, revint avec ce Pelton le 28 avril. Il raconta qu'un peu au-dessous des rapides, M. D. Stuart et son détachement ayant conclu avec les Indiens un arrangement pour transporter ses ballots au - dessus des chutes, ceux-ci chargèrent leurs chevaux et s'enfuirent. M. Stuart leur dit de revenir; ils n'en tinrent compte, et poursuivirent leur route vers les montagnes: alors il les menaça de faire feu, et tira un coup de fusil qui tua un des chefs; il s'ensuivit une escarmouche; M. Stuart fut blessé au cou, mais peu dangereusement, et poursuivit son voyage. M. Pillet dit que le vol avoit été commis par les Tchilouits, peuplade puissante et féroce. Le 11 mai, quatre pirogues venant de l'établissement de M. D. Stuart, arrivèrent au fort avec lui et M. R. Stuart; le vol commis par les Indiens les avoit forcés à revenir, car ceux-ci avoient emporté deux ballots de marchandises. Ils avoient aussi blessé M. Reed, et lui avoient enlevé un paquet qui contenoit les papiers importans confiés à ses soins. Du reste, M. Stuart avoit traité plus de mille peaux de castor qu'il avoit laissées avec deux de ses compagnons. Il avoit rencontré et amenoit M. Crooks et un autre Américain, auxquels on avoit volé leurs marchandises, et qui, depuis, demeuroient parmi les Indiens.

M. Mackenzie et ceux qui étoient allés reconnoître l'Oulamat revinrent le 11 mai; ils firent un rapport très-satisfaisant du pays voisin; le gibier, les castors, le poisson y abondent.

Depuis l'arrivée du Beaver, l'activité avoit redoublé au comptoir américain. On mit sa cargaison à terre, on le chargea de toutes les pelleteries traitées; on s'empressa de terminer les ouvrages du fort, et l'on s'occupa de préparer tout ce qui étoit nécessaire pour le voyage que MM. R. Stuart, R. Crooks et R. Macclellan devoient entreprendre à travers les Rocky-Mountains pour retourner à Saint-Louis, puis à New-York.

Ils partirent le 29 juin 1812.

Notes

(1) Nous devons à l'obligeance de S. Exc. M. Gallatin, ministre plénipotentiaire des Etats-Unis en France, et de M. J. J. Astor, négociant de New-York, la communication de ces manuscrits intéressans pour la géographie.

(2) Voyage de Vancouver, traduction françoise, T. I, p. 252, in-4°.

(3) Ibid., p. 473.

(4) C'est le même qui a fait un voyage de découvertes dans la partie septentrionale du grand Océan, et reconnu, après Lapérouse, la manche de Tartarie. Ce voyage a été traduit en françois.—Paris, Deutu, 1807, 2 vol. in-8° par le soussigné.

(5) T. II, p. 64.

(6) La carte n° 6 de l'atlas du Voyage de Vancouver offre le plan de l'embouchure de la Columbia et du Gray's-Harbour.

(7) Voyages trough the continent of North America. —London, 1802, 2 vol. in-8°, T. II, p. 309; traduction françoise, T.III, p. 350, 3 vol. in-8°, —Paris, Dentu.

(8) National intelligencer de Washington. Juin, 1813.

(9) T. XXII, p. 274.

(10) Les détails de ce récit diffèrent en quelques points peu essentiels de celui qu'on lit dans les Annales des Voyages,  T. XXII, p. 287.

(11) On trouvera plus bas l'extrait de la relation de sort voyage.